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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 2.djvu/104

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HISTOIRE.

niers infester les mers des Antilles, toute l’Europe fut en émoi. Des escadres parcoururent dans tous les sens les parages où l’on redoutait leurs brigandages, et des forces imposantes furent de toutes parts dirigées contre eux. Ici c’est au centre de la Méditerranée, dans un pays que nous parcourons sans cesse, dont les nouvelles nous arrivent en peu de jours, avec lequel toutes les places commerçantes de l’Europe ont les relations les plus étendues, qu’un pareil brigandage règne pendant six années consécutives ; c’est au moment même où notre intervention généreuse accourt pour sauver les Grecs, qu’il s’exerce avec le plus de fureur (l’année la plus terrible pour la piraterie a été celle de la bataille de Navarin), et pendant ce temps, nous nous obstinons à rester aveugles, à ne pas y croire. Le commerce perd des millions, et quand il s’avise de s’en plaindre, nous lui crions qu’il est turcophile. Les pertes qu’il a éprouvées dépassent toute croyance ; on évalue celles de la France à près de vingt millions, celles de l’Angleterre à près de trente. Nous n’avons pas de données pour préciser celles de Trieste, de Gênes et de Livourne ; mais elles sont dans une proportion infiniment plus forte. J’ai vu à Livourne les assurances pour l’Orient dépasser 7 pour 100.

Le commerce sera long-temps à se remettre des coups funestes qui lui ont été portés par la piraterie, et aujourd’hui qu’il aurait besoin d’une longue tranquillité, il ne voit autour de lui que tempêtes. Une lutte opiniâtre a commencé au pied du Balkan ; elle doit faire sentir au loin ses secousses violentes.