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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 2.djvu/320

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HISTOIRE.

On pourrait tout au plus s’étonner que le peuple lui eût donné la moindre confiance, lorsqu’il s’est réveillé de son esclavage, si on ne savait jusqu’à quel point ce peuple est ignorant. Lorsque la révolution s’est opérée à St-Domingue, tous les nègres étaient égaux ; il n’existait parmi eux aucune classe qui pût prétendre à diriger les autres. Le travail de choisir ceux qui en étaient dignes a été laissé à la nature, qui a toujours le secret de faire surgir les hommes du sein des masses. Mais la Grèce ne possédait malheureusement pas cette égalité. Quoique vis-à-vis des Turcs tous les Grecs fussent égaux, ils ne l’étaient cependant pas les uns vis-à-vis des autres. Il y avait chez eux une masse ignorante vouée au travail, et une classe instruite, la seule habituée aux affaires. Il a bien fallu qu’ils adoptassent cette dernière pour guide, quand il s’agissait d’une entreprise capable de faire reculer les esprits les plus intrépides, et les vices qu’elle apportait ont été le cortége obligé d’une révolution entreprise par d’autres qu’elle ; elle s’est hâtée de l’exploiter à son profit. Tant que la révolution avait été pauvre, elle s’était faite, sinon avec honneur, du moins avec constance. On voulut avoir de l’argent, et l’Europe en leur en envoyant fit aux Grecs le présent le plus funeste. À cet appât, toutes les divisions éclatèrent ; c’est pour l’argent qu’on se battit ; ce n’était plus pour la patrie. Arrivait-il de l’Europe, on se précipitait aussitôt à la curée. Les premières mains entre lesquelles il passait en retenaient tout ce qu’elles pouvaient, et à peine une faible partie entrait-elle dans les coffres du gouver-