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LA GRÈCE EN 1829.

avec un égal bonheur. Si ces moyens sont insuffisans, ils auront recours à la persévérance, et à force de suivre l’objet qu’ils veulent atteindre, ils finiront par s’en emparer. Comme le prix du temps leur est inconnu, c’est une dépense qui n’entre pas dans leurs calculs, et s’ils voient quelques paras au bout de leur journée, ils attendront avec patience, et la perdront tout entière à prier, solliciter, circonvenir par tous les moyens possibles, plutôt que de songer à un travail qui leur en vaudrait le décuple. C’est que dans leur ignorance ils ne conçoivent d’autre valeur que l’argent ; c’est l’échelle à laquelle ils réduisent toute chose, et ce qui n’est point argent est sans prix à leurs yeux. Cette aberration d’idée chez un peuple spirituel et qui raisonne avec une merveilleuse sagacité est facile à expliquer. Sous la domination turque, les sujets ne possèdent rien qui soit à l’abri de la cupidité du maître ; les fidèles eux-mêmes sont exposés tous les jours à voir leur fortune enlevée par le caprice d’un pacha : à plus forte raison, les Rayas n’ont rien en propre, et la richesse qu’on pourrait leur supposer serait pour eux un arrêt de proscription. S’il leur a fallu de l’adresse pour l’acquérir, il leur en faut bien plus encore pour la cacher, et les dehors de la misère peuvent seuls la mettre à l’abri[1]. Comme l’argent

  1. Cette proposition générale me paraît susceptible de modifications importantes. Sans nier les excès auxquels l’avidité et le caprice des pachas peuvent les entraîner, les rayas des trois nations grecque, arménienne et juive, dans l’empire ottoman