moi-même dupe de mon art. Un triste événement me fit renoncer à cette carrière coupable. Le marquis de B…, issu d’une ancienne famille d’Italie, était prand partisan des sciences occultes ; il m’appela auprès de lui, et bientôt je fus son oracle. M. de B… avait deux fils, Gioachino qui devait hériter de ses titres et de tous ses biens, et Ludovico qu’on avait fait chevalier de Malte, et qu’on destinait aux armes. Les deux frères paraissaient s’affectionner tendrement. Gioachino avait été élevé avec la jeune Maria, sa cousine et unique héritière du riche comte de G… ; leur mariage avait été résolu par les deux familles, pour réunir en une seule maison leurs immenses propriétés. Ces jeunes fiancés, sans s’aimer d’un amour ardent et impétueux, avaient cependant juré secrètement d’appartenir l’un à l’autre. Tout était prêt pour les noces, on devait conduire dans peu de jours les nouveaux époux à l’autel, lorsque Gioachino disparut subitement. La journée se passa sans qu’on pût savoir ce qu’il était devenu. L’alarme se répandit dans la famille ; Ludovico se fit surtout remarquer par sa douleur. Le lendemain, le marquis de B… envoya ses gens de tous côtés pour avoir des nouvelles de son fils ; mais les seuls renseignemens qu’il put obtenir furent qu’on avait vu Gioachino se diriger la veille vers la mer, et que sans doute les Barbaresques, qui infestaient les côtes, l’avaient enlevé. M. de B… fit aussitôt équiper une chaloupe, et courut avec Ludovico à la poursuite de son fils, espérant fléchir les corsaires par l’appât d’une riche rançon. Ils
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