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TROUBLES RELIGIEUX EN AFRIQUE.

venu à Podor, y vivait tranquille, riche, puissant et considéré.

Vers cette époque le hasard amena à Ndymb le forgeron Demba, petit homme d’un noir foncé, maigre, décharné, à grosse tête, grande bouche, et nez épaté, bien connu à Saint-Louis, où sa laideur lui avait valu de la part de ses confrères le surnom de golokh ou singe. C’est sur un tel homme que Nghiâgha-I’ysay jeta les yeux pour l’accomplissement des projets ambitieux qu’il couvait depuis long-temps. Avant que le forgeron se fût fait connaître dans le village, Nghiâgha-I’ysay s’empara de lui, le séduisit par la perspective des richesses et des honneurs ; et de son autorité privée il transforma sur-le-champ le misérable Demba golokh en séryn-Demba, docte interprète des volontés d’Allah, nouveau mahdy apparaissant pour régénérer les islamistes corrompus : afin de mieux tromper la foule crédule, aux yeux de tous il baisait respectueusement les pieds de l’imbécille qu’il avait endoctriné, lui demandait ses conseils, ses ordres ; et le vulgaire fasciné écoutait avec recueillement les sentences de l’oracle.

Diverses relations déjà publiées ont attribué fort gratuitement à Demba la prétention de passer pour un second Moïse ; ni lui ni ses partisans n’ont pensé à faire revivre en lui le législateur des Juifs, et le nouvel apôtre n’a pris ni reçu, à propos de sa mission, aucun autre titre que celui de mahdy. Ce n’est pas à dire que la réapparition du prophète hébreu eût été une nouveauté sans exemple dans les