Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
CORRESPONDANCE ET VARIÉTÉS.

surgés. Mais, suivant les instructions que j’ai reçues de S. A., qui vous offre par mon organe ses plus affectueux souvenirs, je sens la nécessité de commencer par vous communiquer mes pensées, dignes chefs des vétérans de l’armée de Crète, pour vous développer tout ce qu’a de délicat la nouvelle tâche que vous allez remplir, et de noble la gloire que vous allez acquérir.

» La guerre que nous allons entreprendre aujourd’hui ne ressemble plus à celle que votre vaillance a soutenue sur cette île depuis huit ans. Alors il fallait vaincre, il fallait conquérir, et vous l’avez fait, bien qu’isolés des Crétois, vos co-religionnaires, vous ne fussiez qu’une poignée d’hommes comparativement aux forces que vous opposait l’ennemi. Aujourd’hui nous devons rappeler à nous des vassaux de S. A. le vice-roi d’Égypte, trompés par la cupidité de quelques spéculateurs, et vous concevez bien que c’est moins par la force des armes que par celle de la persuasion et de la confiance, que nous devons réussir. Quel interprète plus loyal, plus éloquent, pourrons-nous donc choisir pour remplir ce but, que celui de la douceur et de la clémence ? Demain nos yeux verront déployés ces drapeaux sous lesquels vous avez acquis tant de renommée ; mais n’oubliez pas que les longs malheurs de cette île excitent une compassion générale, et que l’Europe entière a les yeux fixés sur vous. Gardez-vous donc bien dans les combats, si nous avions le malheur de nous voir obligés d’en livrer, de vous abandonner à la moindre action qui pût souiller votre gloire passée.

» Vous serez, sans doute, obligés de frapper celui qui vous résistera, mais ne le faites qu’en le plaignant, et que tous ceux qui se soumettront de bon gré, même ceux qui céderont à la force, trouvent toujours auprès de vous l’indulgence et la protection d’un ami.

» Les insultes que font des hommes à des femmes ou à des enfans, avilissent trop l’âme noble du guerrier, pour que je croie nécessaire de vous faire entendre à cet égard mes recommandations ; mais je vous parlerai avec un soin