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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/414

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LITTÉRATURE.

— Et comment sauvera-t-on les monarchies qui croulent ? demanda Beaumarchais.

— Dieu est là !… Monsieur, répliqua mon voisin.

— Alors, reprit M. de Calonne avec cette incroyable légèreté qui le caractérisait, nous avons la ressource de nous croire, selon l’évangile de Bossuet, les instrumens de Dieu !….

Du moment où les dames s’étaient aperçues que l’affaire se passait en conversation entre la reine et l’avocat, elles avaient chuchoté. J’ai même fait grâce des phrases à points d’interjection qu’elles lancèrent à travers le discours de l’avocat. Cependant ces mots :

— Il est ennuyeux à la mort !

— Mais, ma chère, quand finira-t-il ?

Parvinrent plus d’une fois à mon oreille.

Quand l’inconnu cessa de parler, les dames se turent. M. Bodard dormait.

Le chirurgien à moitié gris, Lavoisier, Beaumarchais et moi nous avions été seuls attentifs, car M. de Calonne jouait avec sa voisine. En ce moment, le silence eut quelque chose de solennel. La lueur des bougies me paraissait avoir une couleur magique. Un même sentiment nous avait attachés par des liens mystérieux à cet homme, qui, pour ma part, me fit concevoir les inexplicables effets du fanatisme. Il ne fallut rien moins que la voix sourde et caverneuse du compagnon de Beaumarchais pour nous réveiller.

— Et moi aussi, j’ai rêvé !… s’écria-t-il.

Je regardai plus particulièrement alors le chirurgien, et j’éprouvai un sentiment instinctif d’horreur. Son teint terreux, ses traits à la fois ignobles et grands, offraient une expression exacte de ce que l’on me permettra de nommer ici la canaille. Quelques grains bleuâtres et noirs étaient semés sur son visage comme des traces de boue, et ses yeux lançaient une flamme sinistre. Cette figure paraissait plus sombre qu’elle ne l’était peut-être, à cause de la neige amassée sur sa tête par une coiffure à frimas.