Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
LITTÉRATURE.

got de même essence que la haie, qui, s’emboîtant dans la haie elle-même, ne présente à l’œil des étrangers aucune différence avec elle. L’habitant du pays va droit à cet échallier qu’il connaît ; tout autre que lui est obligé de longer quelquefois les quatre faces de l’enclos avant de le découvrir.

Ces haies expliquent toute la tactique de la guerre vendéenne : tirer à coup sûr sans pouvoir être aperçu ; fuir, quand on a tiré, par le passage sans pouvoir être atteint. Aussi, en exceptant cette belle harangue de Larochejaquelein : « Si j’avance, suivez-moi ; si je recule, tuez-moi ; si je meurs, vengez-moi, » les chefs n’en proféraient-ils guère d’autre, avant le combat, que celle-ci, plus simple, mais non moins claire pour des paysans : « Éparpillez-vous, mes gars. » Et alors chaque buisson cachait un homme et son fusil ; devant, derrière, sur les côtés de l’armée en marche, les haies s’enflammaient, les balles se croisaient en sifflant ; les soldats tombaient sans pouvoir distinguer de quel côté soufflait cet ouragan de fer. Alors, lassés de voir s’entasser les morts dans le fond des défilés, les bleus s’élançaient de chaque côté, gravissant le talus, escaladant la haie, perdant encore dans cet assaut la moitié de leurs hommes ; puis, arrivés au faîte, le feu avait cessé, tout avait disparu comme par enchantement ; ils n’apercevaient plus, si loin que la vue pouvait s’étendre, qu’un pays dessiné gracieusement comme un jardin anglais, et d’espace en espace la pointe aiguë d’un clocher couvert d’ardoises, ou le toit rougeâtre d’une métairie.

Ces chemins, ou plutôt ces défilés, qui paraissent au premier abord n’avoir été creusés que par les pieds des bœufs, sont, en raison des inégalités du terrain, de véritables escaliers, où les petits chevaux du pays peuvent seuls marcher d’un pied sûr[1]. L’été ils ne paraissent que pittoresques ;

  1. Le meilleur écuyer de Franconi se trouverait assez embarrassé, je crois, si on le juchait au haut d’une des grandes selles bretonnes, qui