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L’ENFANT MAUDIT.

proie à une souffrance, il gardait presque toujours une attitude passive. La délicatesse de ses organes était si grande, qu’un bruit trop soudain ou la compagnie d’une personne tumultueuse lui donnait une sorte de fièvre. Vous eussiez dit un de ces petits insectes pour lesquels Dieu semble modérer la violence du vent et la chaleur du soleil. Aussi, comme eux, incapable de lutter contre le moindre obstacle, il cédait, comme eux, sans résistance et sans plainte à tout ce qui paraissait agressif.

Cette patience angélique inspirait à sa mère un sentiment profond qui l’aidait à supporter les soins minutieux et constans réclamés par une santé si chancelante. Les avis du rebouteur étaient toujours écrits devant elle ; et, alors, craignant tout pour son enfant, elle assit la Défiance près de son berceau. Bientôt elle trouva des joies célestes dans la triste existence qu’elle croyait déshéritée de bonheur : voir son fils, c’était oublier ses peines. Elle admira la Providence, qui le plaçait, comme une foule de créatures, au sein de la sphère de paix et de silence, la seule où il pût s’élever heureusement, et se soustraire à la mort.

Souvent les mains maternelles, pour lui si douces et si prudentes, le transportaient dans la haute région des fenêtres ogives… alors ses yeux bleus, comme ceux de sa mère, semblaient étudier les ondes vertes de l’océan. Ils restaient ainsi tous deux des heures entières à contempler l’infini de cette vaste nappe, tour à tour sombre et brillante. Ces longues et muettes méditations étaient pour Étienne un secret apprentissage de la douleur, car presque toujours les yeux de sa mère se mouillaient de larmes ; et, alors, pendant ces pénibles songes de l’âme, les jeunes traits d’Étienne ressemblaient à un léger réseau tiré par un poids trop lourd. Puis, bientôt, sa précoce intelligence du malheur lui révélant tout le pouvoir de ses jeux enfantins sur la comtesse, il essayait, en ces instans de tristesse, de la divertir par les mêmes caresses dont elle se servait pour endormir ses souffrances ; et jamais ses petites mains lutines, ses demi-mots