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LITTÉRATURE.

coloraient cette tête encore vigoureuse par des tons doux, et le corps affaibli, enveloppé de vêtemens bruns, achevait, par sa pose lourde, par la privation de tout mouvement, de peindre l’existence monotone, le repos terrible de cet homme, autrefois si entreprenant, si haineux, si actif…

— Assez !… dit-il à son chapelain, vieillard vénérable, qui lui lisait l’Évangile en se tenant debout devant lui, dans une attitude respectueuse.

Le duc, semblable à ces vieux lions de ménagerie qui arrivent à une décrépitude encore pleine de majesté, se tourna vers un autre homme en cheveux blancs, et lui tendit un bras décharné, couvert de poils rares, encore nerveux, mais sans vigueur.

— À vous, rebouteur, s’écria-t-il, voyez où j’en suis aujourd’hui…

— Tout va bien, monseigneur, et la fièvre a cessé… Vous vivrez encore de longues années…

— Je voudrais voir Maximilien ici ! reprit le duc en laissant échapper un sourire d’aise… Ce brave enfant ! Il commande maintenant sa compagnie d’arquebusiers chez le roi… Le maréchal d’Ancre en a eu soin… Notre gracieuse reine Marie pense à le bien apparenter, et mon nom sera dignement continué… Il a fait des prodiges de valeur à l’attaque…

En ce moment, Bertrand arriva, tenant une lettre à la main.

— Qu’est ceci ?… dit vivement le vieux seigneur.

— Une dépêche apportée par un courier que vous envoie Sa Majesté, repondit l’écuyer.

— Les huguenots reprendraient-ils les armes, tête-dieu pleine de reliques ! s’écria le duc en se dressant et jetant un regard étincelant sur les trois vieillards… J’armerais encore mes soldats, et avec Maximilien à mes côtés, la Normandie…

— Asseyez-vous, mon bon seigneur, dit le rebouteur inquiet de voir le duc se livrer à une bravade dangereuse chez un convalescent.