bord de la mer, et que le bruit de ses pas, assourdi par le sable, résonna faiblement, en se mêlant à la voix des flots, Étienne tourna la tête, jeta un petit cri d’oiseau surpris, et disparut dans le granit même, comme une souris qui rentre si lestement dans son trou, que l’on finit même par douter de l’avoir aperçue…
— Hé ! tête-dieu pleine de reliques ! où s’est-il donc fourré !… s’écria le seigneur en arrivant au rocher sur lequel son fils était accroupi.
— Il est là… dit Bertrand en montrant une fente étroite dont les bords avaient été polis, usés par les assauts des hautes marées…
— Étienne !… mon fils !… cria le vieillard.
L’héritier ne répondit pas. Alors, pendant une partie de la matinée, le duc supplia, menaça, gronda, implora tour à tour, sans pouvoir obtenir de réponse. Parfois il se taisait, appliquait l’oreille à la crevasse, et tout ce que son ouïe faible lui permettait d’entendre était le sourd battement du cœur d’Étienne, dont les pulsations précipitées retentissaient sous la voûte sonore…
— Il vit au moins celui-là !… dit le vieillard d’un son de voix déchirant.
Au milieu du jour, le père au désespoir eut recours à la prière.
— Étienne, lui disait-il, mon cher Étienne, Dieu m’a puni de t’avoir méconnu ! Il m’a privé de ton frère ! Aujourd’hui, tu es mon seul et unique enfant. — Je t’aime plus que moi !… — J’ai reconnu mon erreur, et je sais que tu as véritablement mon sang dans tes veines et celui de ta mère dont j’ai causé le malheur ; mais viens !… Je tâcherai de te faire oublier mes torts en te chérissant pour tout ce que j’ai perdu.
— Étienne, tu seras duc d’Hérouville, pair de France, chevalier des ordres, capitaine de cent hommes d’armes, grand bailli de Bessin, gouverneur de Normandie pour le roi… seigneur de vingt-sept domaines, de quarante-neuf