De tous nos poètes modernes, Victor Hugo est, avec Alfred de Vigny et Mérimée, celui qui a le mieux dépeint l’amour. Dans Han d’Islande comme dans Notre-Dame de Paris, il y a deux scènes ravissantes en ce genre, auxquelles nous ne voyons rien de comparable. Lorsque la Esmeralda, brûlant d’un feu inconnu, avoue si naïvement son amour au capitaine Phoebus, que de grâce, que de tendre passion dans ces timides aveux si brusquement interrompus par l’apparition du prêtre ! – « La jeune fille, les yeux perdus au plafond, frémissait toute palpitante. Tout à coup, au-dessus de la tête de Phoebus, elle vit une autre tête : une figure livide, verte, convulsive, avec un regard de damné ; près de cette figure, il y avait une main qui tenait un poignard. C’étaient la figure et la main du prêtre ; il avait brisé la porte, et il était là. Phoebus ne pouvait le voir. La jeune fille resta immobile, glacée, muette sous l’épouvantable apparition, comme une colombe qui lèverait la tête au moment où l’orfraie regarde dans son nid avec ses yeux ronds. Elle ne put pousser un cri ; elle vit le poignard se baisser sur Phoebus et se relever fumant. — Malédiction ! dit le capitaine, et il tomba. — Elle s’évanouit. »
Le dramatique est poussé plus loin encore dans Lasciate ogni speranza et la Clef de la porte rouge, où la passion de Claude Frollo déborde effrénée et rugissante.
Viennent maintenant les critiques ! car il ne manquera pas de gens qui ne comprendront pas, se fâcheront de ne pas comprendre, et jetteront la pierre à la hauteur à laquelle ils ne peuvent atteindre avec la main. Il n’en sera pas moins vrai que M. Hugo aura élevé un immense édifice littéraire, sous les portes duquel les plus grands d’entr’eux pourront passer sans se baisser ; et la postérité, qui ne tient pas compte des petites haines des contemporains, dira Hugo, comme elle dit Dante et Shakespeare, Corneille et Byron.