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TERRE-NEUVE.

Nous allions lever tous les jours un filet que nous tendions en travers de la rivière, et nous pêchions chaque fois cinq à six beaux saumons ; mais on se lasse vite de ce poisson. La manière dont ils se laissent prendre prouve leur peu d’intelligence. Lorsque la marée remontait, ils suivaient avec elle, et s’arrêtaient au filet qui leur barrait l’entrée de la rivière. Au lieu de revenir, ils y restaient le nez contre, et nous les avions presque tous vivans. Nous en prenions une telle quantité, car on en pêchait de tous côtés, que tous les étais de notre corvette en étaient garnis. Parmi les poissons de Terre-Neuve, le capelan est sans contredit le meilleur de tous. Son nom technique, je crois, est salmo arcticus. Sa grandeur est celle du goujon, et on le prend par milliers à la fin de juin, où il vient servir d’appât à la morue. Il m’est arrivé d’un seul coup de filet d’en remplir exactement le canot du commandant, si bien que nous étions obligés de creuser dedans pour y placer nos jambes. Il est nacré et très-brillant. Les capelans nagent par bandes d’une épaisseur de huit et dix pieds. En temps de calme, c’est à qui viendra à la surface de l’eau, et on les aperçoit de loin, au frémissement de la mer. Quand on les traverse en canot, on fend leurs bancs, et avec les avirons on les jette au loin hors de l’eau ; enfin ils sont si aisés à prendre, que j’ai vu des chiens s’avancer dans la mer et en rapporter plusieurs dans leur gueule.

Nous donnions souvent aussi des coups de senne dans la rivière, et nous y trouvions des plies, des trui-