mier Français qui fit comme en plaisantant le tour du monde, que ses découvertes, ses privations et ses périls ont rendu moins célèbre que son charmant Épisode de Thaïti, fonda jadis un établissement sur les Malouines pour la pêche de la baleine. Il ne réussit pas ; mais les chevaux qu’on y laissa devinrent sauvages, et multiplièrent beaucoup. Ces animaux, des oiseaux, quelques phoques devaient dorénavant nous servir de nourriture jusqu’à ce que nous eussions construit un petit navire des débris du nôtre.
Chaque jour nous allions en détachement à la recherche des vivres, qu’on déposait en commun. Des hommes apostés dans quelques accidens de terrain de ces plaines immenses guettaient les chevaux et quelques bœufs qu’il était difficile d’atteindre, car pas un arbre, pas un monticule ne nous dérobait à leur vue. Dans les premiers jours, les oies du rivage et les oiseaux de mer suffirent à nos besoins ; mais l’époque approchait où ils devaient émigrer vers d’autres contrées.
Un bien singulier oiseau nous fut d’un grand secours : c’est le manchot, qui ne vole pas, qui a deux nageoires aplaties au lieu d’ailes, et dont le corps est couvert d’un feutre serré, ressemblant plus à de la soie qu’à de la plume. On dirait même que ce sont des écailles qui recouvrent ses petites rames. Ces oiseaux-poissons, ne trouvant leur nourriture que dans l’eau, s’y tiennent plus souvent qu’à terre. Ils avaient choisi pour demeure une des petites îles de la rade, afin de ne pas y être inquiétés dans la ponte, et l’éducation de leurs petits. Ils se tenaient par milliers dans des terriers cachés au milieu de grandes graminées. Quand nous manquions de ressources ailleurs, nous abordions à cette île, que nous considérions comme un magasin de réserve, et nous fesions un massacre régulier de ces malheureux oiseaux qui n’opposaient à nos coups qu’une fuite embarrassée et des cris lamentables ressemblant à ceux d’un ânon. Ils émigrent tous à la fois à des époques fixes, et un jour nous ne fûmes pas peu surpris de n’en plus trouver un seul.