l’herbe au bord du rivage, ayant à notre droite le camp, et devant nous l’entrée de la baie, et l’étendue de la mer vers laquelle se portaient toutes nos espérances, je lui disais : Allons, Larose[1], causons de vos campagnes et de la gloire du temps passé. Reportons notre pensée vers cette patrie que nous ne reverrons peut-être jamais… — Que voulez-vous que je vous raconte ? Parlerai-je de Rivoli, d’Arcole, où les boulets et la mitraille enlevaient des files entières de nos grenadiers ; de Marengo, où le général Bonaparte[2] gagna la bataille, et perdit son ami ? — Non, parlez-moi de l’Égypte et de ses déserts de sable : c’est une opposition avec ceux dans lesquels nous nous trouvons maintenant. — C’est vrai. Nous eûmes terriblement à souffrir pour aller assiéger Saint-Jean-d’Acre. Je montai des premiers à l’assaut. Nous fûmes repoussés, et sans mes cheveux que je portais longs, un Turc m’abattait la tête d’un coup de revers de son damas.
» À la bataille des Pyramides, l’armée d’Italie montra ce qu’elle savait faire contre des nuées de Mameloucks. J’étais un peu écarté avec un autre sergent, lorsque nous fûmes chargés par un chef ennemi qu’on distinguait à la richesse de son costume. — À moi, l’homme ; à toi, le cheval, et aussitôt le cavalier roule par terre, et le coursier arabe gagne le Nil. Le Turc avait de l’or, et portait un magnifique atagan, enrichi de pierreries. Cela fit du bruit dans l’armée. Un aide-de-camp vint nous proposer de céder ce sabre au général en chef. Nous répondîmes que nous le porterions nous-mêmes ; ce que nous fîmes. Les diamans qui l’ornaient brillaient d’un si grand éclat que le soir nous n’avions pas besoin de lumière dans notre tente…