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VOYAGES.

comme l’air, nous prîmes possession des champs de l’Asie.

Après avoir franchi un petit ruisseau, et rencontré à notre droite un très-vaste cimetière orné de nombreux turbehs qui semblent annoncer une population plus opulente et beaucoup plus considérable que celle de Foglieri, nous commençâmes à gravir une haute colline. Nous laissions derrière nous de longues troupes de chameaux attachés à la file, et marchant d’un pas grave sous la direction d’un petit ânon, qui, plus intelligent qu’eux, leur sert toujours de guide. Les chameliers, aussi graves que leurs caravanes, chantaient, sur une mesure qui s’accordait merveilleusement avec la solennité du pas de leurs bêtes, des chansons dont je ne pus saisir les paroles. Pour notre malheur, l’exemple devint contagieux ; et notre Tartare, jusqu’à ce moment fort silencieux, parut piqué d’honneur ; il commença dès lors à entonner, de son côté, un air monotone dont il ne cessa de fatiguer nos oreilles tout le reste de la route.

Parvenus au bas du versant opposé de la colline, nous entrâmes dans une petite plaine parsemée de quelques maisons, plantée d’un petit nombre d’oliviers et en partie cultivée. À son extrémité se trouvait un second mouvement de terrain. Nous le franchîmes, et dès lors nous cheminâmes à travers une plaine inculte, où l’on n’apercevait ni arbre ni habitation. Nous marchions depuis environ deux heures dans l’est, lorsque sur la droite de la direction que nous suivions, nous aperçûmes un monument élevé au-dessus d’un léger monticule ; je me dirigeai aussitôt avec empressement de ce côté : il fallut traverser le lit d’un torrent desséché. « N’approchez pas, Effendi, se mit alors à crier mon