appartient au premier occupant. Nos hôtes nous servirent des œufs ; c’étaient toutes leurs richesses. Nous y joignîmes quelques tablettes de chocolat de Marquis ; ils parurent fort étonnés de nous voir manger cette préparation dont ils n’avaient aucune idée. Pendant qu’assis par terre, nous dévorions notre modeste repas, un Turc assez sale entra, prit notre cruche, et sans plus de cérémonie, se mit à boire l’eau qu’elle contenait. Indigné de cette insolence, je la pris et la brisai à ses pieds. Il fut très-surpris de cette action, trouvant sans doute la sienne fort naturelle, et ne concevant pas ce qui avait pu motiver mon emportement.
Nous donnâmes à nos hôtes des nouvelles de leur pays : à l’indifférence que la plupart d’entre eux montrèrent, il nous parut qu’ils avaient conservé pour lui peu d’attachement. Quelques-uns cependant nous firent des questions sur l’état actuel de leurs compatriotes, et parurent apprendre avec plaisir l’expulsion des Turcs de Morée.
Il était trois heures après-midi quand nous remontâmes à cheval : la chaleur était très-supportable ; à deux milles du village que nous quittions, nous traversâmes de nouveau l’Hermus à gué. Le fleuve était assez profond ; et malgré les soins de notre guide, qui cherchait les points guéables, nos chevaux durent se mettre à la nage. Comme le courant avait très-peu de rapidité, ils atteignirent facilement l’autre bord. Nous avions eu à la vérité de l’eau jusqu’aux hanches, mais le moyen de regretter un bain pris dans les eaux illustres de l’Hermus, mêlées aux flots sacrés du Pactole. Nous sommes maintenant du reste à même d’assurer que ceux-ci ont singulièrement perdu de leur vertu : loin de convertir en or tout ce que depuis nous