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VARIÉTÉS.

encouragemens qu’elle méritait. Long-temps on a exigé, pour accorder le passage, la justification d’un capital de 500 livres sterling : était-ce ainsi que l’on pouvait soulager l’Angleterre du pesant fardeau du paupérisme ? D’année en année on a vu diminuer le nombre des passages gratuits, et aujourd’hui la voie des navires du commerce est, à peu d’exceptions près, la seule ouverte aux émigrés volontaires. Cependant une sorte de compensation leur est offerte par une latitude plus grande, laissée au gouverneur pour l’étendue des concessions territoriales, et dans les dernières années, quelques familles recommandables ont émigré en nombre qui promet de s’accroître. Il faut peut-être encore un demi-siècle pour familiariser complètement le peuple anglais avec la pensée d’une aussi lointaine émigration. L’énormité des frais de passage, et disons-le franchement, la nature même des avantages offerts à l’expatriation doivent long-temps détourner la plupart des caractères aventureux de tout projet d’établissement aux terres australes. Les premières relations des voyageurs avaient attiré sur le continent sans pareil un puissant intérêt de curiosité ; aujourd’hui cet attrait s’est en partie effacé : les troupeaux introduits, les végétaux acclimatés, les arts industriels naturalisés, les rapports de climat mieux constatés, ont en quelque sorte créé dans l’Australie une seconde Angleterre. Toutes ces circonstances décideraient des têtes calmes et réfléchies, mais elles ne parlent point aux imaginations vives. Long-temps les émigrés anglais préféreront aux richesses réelles de l’Australie leurs spéculations moins certaines aux rives du Gange ou dans l’Amérique espagnole ; leurs voiles se tourneront avec plus d’espoir vers les bords où ils vont chercher un lieu de séjour plutôt qu’une patrie. Le climat de l’Indoustan, de l’Amérique du Sud et des côtes d’Afrique, dévorera long-temps encore des milliers d’hommes qui auraient pu fonder des familles, et bientôt des peuples, sur une terre destinée sans doute par la Providence à la race européenne. L’Amérique du Nord, malgré un désavantage évident, séduira long-temps aussi par la