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LE BRÉSIL.

tués dans le combat, indique plutôt un vestige d’anthropophagie dans sa tribu, qu’il ne peut l’en disculper entièrement. Il suffit de lire Hans Staden et de se rappeler ses misères au milieu des Tupinambas, à l’époque où ces tribus avaient encore quelque importance, pour avoir la preuve de l’horrible enthousiasme avec lequel ils se livraient à d’épouvantables festins[1], et pour penser que dans les lieux où une telle coutume a pu être considérée comme une des bases de l’état social, quelques vestiges ont pu en être conservés. D’ailleurs ce qui se passait à cette époque chez les Tupinambas se renouvelle continuellement chez les Battas ou dans les îles de la Nouvelle-Zélande, et il nous paraît difficile de laver l’espèce humaine de cette terrible accusation[2].

Malgré les détails pleins d’intérêt donnés par le prince de Neuwied sur les hordes de Botocudos qui errent le long des rives du Jiquitinhonha, on lira encore avec plaisir ceux que présente la relation de M. de Saint-Hilaire, mais ils paraîtront nécessairement moins neufs ; aussi

  1. Lery, dans son récit dont l’énergie égale la naïveté, trace un tableau qui fait frémir des cruautés commises à cette époque en France, durant les guerres de religion, et il cite des faits épouvantables qu’il compare à ce qui se passait parmi les Tououpinamboults. Du reste, en admettant que les Botocudos soient les descendans des Tapuyas, il est difficile qu’ils n’aient point conservé quelques usages de leurs ancêtres, que Pison nous peint comme étant livrés à un bien plus haut degré que les Tupis aux horreurs de l’anthropophagie.
  2. Chez les peuples de race aztèque, où, chose fort extraordinaire, l’anthropophagie ne s’était développée qu’après une certaine période de civilisation, on sacrifiait un nombre immense de victimes humaines, dont quelques portions seulement étaient dévorées solennellement. Si on s’en rapporte à un voyageur moderne, on évaluait à vingt mille le nombre de ceux qui périssaient ainsi annuellement au Mexique.