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GÉOGRAPHIE DE L’AMÉRIQUE.

Si nous professons encore un respect classique pour l’expédition des Argonautes et pour les erreurs d’Ulysse, si nous sommes journellement séduits par le merveilleux d’un grand nombre de découvertes accidentelles, quelle admiration ne devons-nous pas au navigateur audacieux, dont le génie devina la moitié du globe, et dont le courage sut prouver, malgré les hommes et les élémens, la réalité de ses grandes conceptions. Cependant Gênes et Lisbonne refusèrent le monde qui leur était offert ; la France oubliée fut punie dès-lors d’avoir négligé la marine. La cour de Londres n’eut pas le temps de se décider, Ferdinand craignit d’abord, en favorisant des chimères, de compromettre le titre de roi d’Aragon ; et quand enfin la généreuse Isabelle fit en faveur des Castillans l’échange de ses pierreries contre les trésors de l’Amérique, elle céda plutôt à l’entraînement qu’à l’espérance. Tant d’obstacles, tant d’incrédulité auraient jeté le découragement dans un esprit moins élevé, mais Colomb montra la même persévérance, la même conviction en soutenant ses projets, qu’en luttant contre les erreurs de la boussole et les menaces de ses timides compagnons.

On chercherait inutilement à diminuer le mérite de Colomb, car si l’on ne peut refuser aux enfans d’Odin quelques légers fleurons de la couronne glorieuse du navigateur génois, les prétentions jalouses des autres peuples ne supportent pas la critique avec le même avantage. Les Anglais, les Portugais et les Français ont présenté dans la lice Madoc-Ap-Owen, Alonso Sanchez et Cousin, dont les voyages à la Virginie, à la Floride, au Mexique, à Saint-Domingue et au fleuve des Amazones, remontaient, suivant de vieilles archives, aux années 1170, 1480 et 1488. Dans cette dispute de