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SOUVENIRS DE GRÈCE.

Une maison, d’une apparence plus que modeste, placée vis-à-vis de l’Orphanotrophe, est occupée par la famille du prince Marovcordato. Homme d’état habile, diplomate instruit, il a dirigé long-temps les affaires de son pays, et son honorable médiocrité prouve assez que, loin d’imiter l’exemple de quelques-uns de ses compatriotes, il est sorti pur de cette dangereuse épreuve[1].

Mais près du port, au-dessus de ces canons brisés, de cet amas de matières résineuses, de ces voiles, de ces vergues et de ces agrès épars, quelle est donc cette habitation si simple que chacun semble contempler avec respect ? — C’est la demeure du brave des braves, c’est là qu’habite Canaris. Tout ce qui porte un cœur d’homme lui doit hommage ; montons.

Étendu sur un tapis, le seul ameublement qui orne sa demeure, un petit homme au teint basané, à l’œil noir et vif, au nez pointu et retroussé, joue avec un jeune enfant ; il porte un fezzi rouge, un large pantalon bleu attaché au-dessous du genou, une petite veste verte brodée en soie violette, et l’indispensable combologhi[2] aux grains noirs, accompagnement obligé de tout Grec au-dessus du commun. Une jeune femme est assise auprès de lui : son turban blanc et les bandelettes ornées d’or qui retombent sur ses épaules donnent plus de charmes encore à ses traits athéniens, à ses beaux yeux bleus et à sa physionomie gracieuse. Elle nous salue, suivant l’habitude ordinaire, en mettant la main sur son cœur, et s’empresse d’aller préparer le café et les confitures de cédrat et de roses, que l’hospi-

  1. On doit noter encore, parmi les édifices de la naissante colonie, une petite église de style grec, la maison du président et celle du résident de France, M. le baron A. Rouen.
  2. Chapelet.