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VOYAGES.

« À mon retour d’Asie, écrivait Sulpicius au prince des orateurs, je faisais voile d’Égine vers la Mégaride ; mes yeux erraient sur les rivages voisins : derrière nous l’île célèbre que nous quittions, devant nous Mégare, Corinthe à notre gauche, à notre droite le Pirée. À l’aspect de ces villes jadis si florissantes, eh quoi ! me disais-je, en présence des cadavres des cités qui gisent sur ces côtes, oserions-nous, mortels, dont la vie est d’un jour, murmurer contre le sort, si le glaive des hommes ou la faux du temps vient nous atteindre[1] ! »

Cependant nous avons laissé bien loin les rochers scyroniens  ; les montagnes de Salamine sont déjà près de nous, et nous distinguons plus nettement une petite colline, dont les sommités indiquant la présence de quelques monumens, se détachent sur une montagne aux flancs noirs : nos cœurs palpitent d’espérance ; cette montagne est l’Hymette  ; cette colline, l’Acropole ; ces monumens sont les Propylées et le Parthénon.

C’est alors que nous voudrions pouvoir doubler la vitesse du sillage de notre esquif ; mais, comme il arrive d’ordinaire, l’embat tombe à la chute du jour, la voile pend inanimée le long des antennes, et la barque, jouet des flots, n’obéit plus à la barre du pilote.

Nous tournons nos regards vers le soleil couchant, comme pour lui reprocher un si prompt abandon ; il nous répond en déployant cet imposant tableau qui inspira au chantre du Corsaire la plus poétique de ses descriptions : au milieu de flots d’or, de pourpre et d’azur, l’astre de feu semble planer avec amour sur

  1. Lib. iv, Epist. 5.