Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
232
HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

toujours isolées la jeune fille et sa nourrice. Elles sont là comme un groupe merveilleux que tous admirent, que nul n’ose approcher. La jeune fille se réveille de son évanouissement ; elle lève la tête de dessus le sein de sa nourrice. Ses regards errent timidement autour d’elle, et semblent interroger la multitude tout à coup apaisée. Tous contemplent avec une sorte de calme religieux le pudique étonnement de la jeune fille appuyée sur sa nourrice.

Appius ne se trompe point sur ce calme d’un instant. Il voit que le tumulte va s’en accroître, et que la sédition est imminente. Il se lève subitement de son siége, et convoque l’assemblée pour le lendemain.

Le lendemain, au lever de l’aurore, le magistrat est déjà sur son siége. Il a réuni ses licteurs et ceux des autres décemvirs ; ainsi dix fois dix licteurs sont dispersés sur toute l’étendue de la place pour inspirer plus de terreur. De jeunes sénateurs armés parcourent la ville en troupes nombreuses pour maintenir l’ordre, comme feraient de simples soldats.

Un messager fidèle est allé pendant la nuit au camp de Cornélius, avertir le centurion, père de la jeune fille. Aussitôt il s’était enfui de l’armée. Il pénètre dans Rome au moment même où l’assemblée s’ouvre. Il arrive au pied du tribunal, tenant sa fille dans ses bras.

Le magistrat étonné lui dit avec colère : « Soldat, en vertu de quel ordre es-tu venu à Rome ? Où est le congé qui t’a permis de quitter même momentanément l’ombre sacrée de tes manipules ? »

Le centurion répondit avec calme : « Je n’ai ni ordre, ni congé. C’est à Cornélius que j’aurai à répondre de l’infraction à la discipline militaire ; mais