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LITTÉRATURE.

lisait jamais, et s’était fait de sa fortune et de sa gloire un coussin pour dormir. Il courait la chance de se réveiller vieux, à l’hôpital. Du reste, ami jusqu’à l’échafaud, fanfaron de cynisme et simple comme un enfant, il travaillait par boutade ou par nécessité.

— Nous allons faire, comme dit maître Alcofribas, un fameux tronçon de chère lie !… dit-il à Raphaël en lui montrant les caisses de fleurs qui embaumaient et verdissaient les escaliers.

— Oh ! que j’aime les porches bien chauffés, et dont les tapis sont riches !… répondit Raphaël. Le luxe dès le péristyle est rare en France… Ici je me sens renaître…

— Et là haut nous allons boire et rire encore une fois, mon pauvre Raphaël…

— Ah çà ! reprit-il, j’espère que nous serons les vainqueurs, et que nous marcherons sur toutes ces têtes-là !…

Et, d’un geste moqueur, il lui montra les convives, en entrant dans un salon resplendissant de luxe et de lumière.

Ils furent aussitôt accueillis par les jeunes gens les plus remarquables de Paris.

L’un venait de révéler un talent neuf, et de rivaliser, par son premier tableau, avec les gloires de la peinture impériale.

L’autre avait hasardé, la veille, un livre plein de verdeur, empreint d’une sorte de dédain littéraire, et qui découvrait de nouvelles routes à l’école moderne.

Plus loin, un statuaire, dont la figure pleine de rudesse accusait quelque vigoureux génie, causait avec un de ces froids railleurs qui tantôt ne veulent voir de supériorités nulle part, et tantôt en reconnaissent partout.

Ici le plus spirituel de nos caricaturistes à l’œil malin, à la bouche mordante, guettait les épigrammes pour les traduire à coups de crayon.

Là ce jeune et audacieux écrivain, qui, mieux que personne, distillait la quintessence des pensées politiques, ou,