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LITTÉRATURE.

— Allons, Henri !… quelque farce classique !… Voyons, une charge !…

— Voulez-vous que je vous fasse le dix-neuvième siècle ?…

— Écoutez !…

— Silence !…

— Mettez des sourdines à vos muffles !…

— Te tairas-tu, chinois !…

— Donnez-lui du vin, et qu’il se taise, cet enfant !…

— À toi, Henri !…

L’artiste boutonna son habit noir jusqu’au col, mit ses gants jaunes, et se grima de manière à singer le Globe ; mais, le bruit couvrant sa voix, il fut impossible de saisir un seul mot de sa spirituelle moquerie ; et alors, s’il ne représenta pas le siècle, au moins représenta-t-il le journal… car — il ne s’entendit pas lui-même.

Le dessert se trouva servi comme par enchantement. La table était couverte d’un admirable surtout en bronze doré, sorti des ateliers de Thomire. De ravissantes figures, douées par un célèbre artiste des formes prestigieuses de la beauté idéale, soutenaient et portaient des buissons de fraises, des ananas, des dattes fraîches, des raisins jaunes, de blondes pêches, des oranges arrivées de Sétubal par un paquebot, des grenades, des fruits de la Chine ; enfin toutes les surprises du luxe, les miracles du petit four, les délicatesses les plus friandes, les friandises les plus séductrices. Les couleurs de ces tableaux gastronomiques étaient rehaussées par l’éclat de la porcelaine, par des lignes étincelantes d’or, par les découpures des vases. Gracieuse comme les liquides franges de l’océan, verte et légère, la mousse couronnait les paysages du Poussin, copiés à Sèvres… Le budget d’un prince allemand n’aurait pas payé cette richesse insolente.

L’argent, la nacre, l’or, les cristaux étaient de nouveau prodigués sous de nouvelles formes ; mais les yeux engourdis et la verbeuse fièvre de l’ivresse permirent à peine aux