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MANILLE.

contre des animaux. Nous fûmes vers lui, et trouvâmes en effet un pauvre Indien qui faillit mourir de frayeur en nous voyant. Deux buffles qu’il conduisait avaient engagé leur fardeau entre deux troncs d’arbres, et ne pouvaient plus en sortir. Depuis le matin, le conducteur travaillait sans relâche à les dégager, et ne pouvait y parvenir. Après avoir cherché à calmer sa frayeur, et lui avoir donné un coup de main pour sortir ses buffles de l’endroit où ils étaient emprisonnés, nous lui demandâmes en quel lieu nous étions, et à quelle distance de Bosoboso. Il nous dit que nous étions à trois fortes lieues de ce village, mais qu’il ne fallait pas songer à se mettre en route par l’obscurité qu’il faisait dans des chemins épouvantables. Quelques instances que nous fissions pour le déterminer à nous servir de guide, en lui donnant la promesse de le payer généreusement, nous ne pûmes y réussir que lorsqu’il vit que nous étions armés de cierges. Nous coupâmes nos bougies par le milieu, afin d’avoir plusieurs feux, et que toute la caravane pût en profiter. La route était tellement étroite, escarpée et rapide, que je ne comprends pas comment, nous et nos chevaux, nous avons pu la parcourir sans qu’aucun de nous, pendant cette pénible nuit, ait été victime de quelque accident fâcheux. Enfin, après avoir arpenté bois, vallons et montagnes, traversé, pour ainsi dire, à la nage des étangs, des marais, des rivières, nous arrivâmes au pied d’une petite case à nègre, où nous fîmes halte pour prendre des informations sur le chemin à suivre pour nous rendre à Bosoboso. Il sortit de cette case deux hommes entièrement nus, dont le corps était aussi noir que l’ébène, et dont la figure décharnée avait quelque chose de hideux. Le nombreux cortége dont j’étais accompagné leur inspira d’abord quelque