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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

de nos propres mains le passé, l’irrévocable passé ? Et ainsi, au milieu de cette multitude d’événemens, qui, jadis, auraient rempli des siècles, et que nous avons vu venir se mettre à l’étroit dans l’espace de si peu d’années, quelque fait de cette histoire amoncelée, condensée, quelque fait inaperçu du vulgaire, insignifiant pour lui, a peut-être été pour le philosophe une immense et subite illumination. Une pomme a suffi pour révéler la gravitation universelle lorsqu’elle est tombée aux pieds d’un Newton.

Il est donc presque impossible, dans l’ordre d’idées dont nous allons nous occuper, d’isoler la pensée des circonstances au milieu desquelles elle est née, de la transporter hors de l’atmosphère où elle a grandi, où elle s’est développée ; d’ailleurs, le tenter serait vouloir renoncer à l’intérêt tout dramatique de la voir réelle, animée, vivante ; ce serait renoncer à s’identifier en quelque sorte avec celui qui la porte dans son sein, à écouter aux mêmes heures que lui la voix de cette mystérieuse Égérie.

Ainsi, au lieu d’appliquer à l’exposition des idées de M. Ballanche la méthode rationnelle dont je parlais il n’y a qu’un instant, je me bornerai à présenter l’analyse de ses différens ouvrages, à peu de chose près dans l’ordre où ils parurent, et en suivant le progrès de sa pensée des Essais sur les Institutions aux Essais de Palingénésie sociale, je m’efforcerai de montrer sous l’empire de quelles impressions cette pensée a pris naissance.

M. Ballanche publia dans les premiers mois de 1814 son poème d’Antigone. Alors revenait de l’exil, soutenant les pas d’un royal vieillard, une princesse que nous venons de voir s’y acheminer une troisième fois ;