Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
440
HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

par le vent d’automne, un moment amoncelées, aussitôt disséminées.

C’est qu’Orphée ne s’adressait d’abord qu’à l’intelligence des hommes ; il ne lui avait pas été donné tout à coup de parler à leurs sympathies les plus vives : il fallait pour cela qu’un sentiment qu’il ignorait encore, l’amour, éveillât en lui-même ces facultés, jusqu’alors endormies dans son propre sein.

Eurydice, nom consacré par la tradition, devient pour lui la muse de cette nouvelle et puissante poésie.

Mais il est impossible de donner une idée des aimables et suaves couleurs dont M. Ballanche nous dépeint ce personnage.

Eurydice a eu, dès ses jeunes années, le pressentiment d’un avenir plein de grandeur et de mystère ; en voyant Orphée, elle a compris à qui appartenait cet avenir ; sa destinée s’échappe des affections calmes et virginales, au milieu desquelles elle s’est écoulée jusque là innocente et paisible, pour se mêler à la destinée orageuse et magnanime d’Orphée ! On voit quelquefois aussi dans une vaste prairie une eau limpide qui s’égare en gracieux contours ; du milieu de l’herbe touffue, elle élève un moment d’harmonieux murmures ; puis elle va se perdre au sein de quelque fleuve rapide et majestueux qui a parcouru de lointaines contrées, et roule vers la mer ses ondes bruyantes et troublées.

Les dangers, les travaux qu’elle partage avec Orphée ne sauraient l’effrayer : avec la grande pensée d’amour, la force du lion et le courage du guerrier n’entrent-ils pas dans le sein de la jeune fille ?

Orphée enseigne aux hommes les saintes lois de la justice, il institue les cités ; cédant à l’autorité de sa parole, sur le seuil de la vie sociale, l’homme fort et ro-