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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/454

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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

Orphée voit aussi mourir Erigone, prêtresse de Bacchus, qui a senti pour lui tous les tourmens de l’amour, et qu’il a tenté d’élever jusqu’à lui, elle dont l’existence devait s’écouler dans une sphère inférieure : la vierge ne peut supporter les accords immortels, les puissantes révélations qu’il tire de sa lyre !

Soumis à la condition humaine, il fallait bien qu’Orphée le fût aussi à la douleur. La douleur seule pouvait lui apprendre le cœur de l’homme, lui donner le pressentiment de sa destinée. Nous élancerions-nous par la pensée au-delà de cette terre, si cette terre était toujours riante et belle ? et ne sont-ce pas les rudes atteintes de la destinée qui, nous refoulant douloureusement sur nous-mêmes, nous forcent à descendre dans l’intimité de notre nature ?

Lorsque sur le chemin de la vie nous avons trouvé quelques-uns des mécomptes qui y attendent l’homme, lorsque nous avons vu le terrible mystère de la mort s’accomplir sur un être chéri, que nous avons rencontré la trahison plus odieuse encore, des souffrances aiguës, déchirantes, glaçantes, pénètrent dans notre poitrine, notre cœur se remplit d’une immense amertume, qui ne cesse de déborder en flots intarissables d’émotions cruelles. Les hommes et la nature nous paraissent hostiles ; les perspectives de notre vie, dépeuplées d’espérances et d’illusions, deviennent sombres, désenchantées ; mais alors nous voyons quelquefois poindre à l’horizon les grandes pensées de Dieu et de l’immortalité de l’âme, qui se montrent à nous avec une évidence de jour en jour plus consolante.

Ainsi, lorsqu’on gravit de hautes montagnes, le ciel semble perdre par degrés les éclatantes couleurs qu’on lui voyait de la plaine ; terne et sombre, il s’assombrit