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LA NIÈCE DU GOUVERNEUR.

en pleurs. Hier un jeune homme, à qui on avait proposé d’épouser cette pauvre calomniée, lui fit publiquement un affront que le sang même ne pourrait laver, et l’a déshonorée pour jamais ; ce jeune homme, don Louis, c’est toi. Aujourd’hui le même jeune homme sait qu’il a dit un mensonge infâme, qu’il a flétri tout l’avenir d’une jeune fille qui ne méritait pas un tel sort, que cette jeune fille l’aime ; que, par ses prières, ses larmes, ses humiliations, elle a presque obtenu sa grâce, et qu’elle va mourir si l’honneur ne lui est rendu : eh bien ! il ne veut pas dire : Cette femme est innocente. Cet ingrat, ce monstre, don Louis, c’est encore toi.

D. Louis.

Eh ! c’est justement cette grâce qu’on m’accorde qui m’empêche de parler et qui me lie !… Voulez-vous que l’on croie que je me suis rétracté pour l’obtenir ? Dona Isabelle, je ne connaissais pas encore votre sourire angélique, votre esprit, votre grâce céleste, et j’ai exposé ma vie pour vous. Cet affront que mon erreur a fait rejaillir sur vous, je croyais qu’il humilierait votre rivale, celle que repoussait mon cœur qui n’était qu’à vous. Je puis tout faire pour vous, excepté de passer pour un lâche. Faites rétracter cette grâce, et sur l’échafaud, en face de toute la ville, pendant que le bourreau aiguisera sa hache, je parlerai, je prendrai à témoin le Dieu devant lequel je paraîtrai que je vous ai calomniée indignement, que vous êtes un ange de vertu, et ma tête, en roulant sur le pavé, témoignera aussitôt que ce n’était point la mort que je craignais.

Dona Isabelle.

Ah ! tais-toi, tais-toi… méchant homme !… Voilà comme ils sont tous… mourir ! Peu leur importe de laisser sur la terre un cœur brisé et des yeux qui pleureront à jamais…Mourir ! Ils ne voient que leur féroce honneur… Moi aussi j’y pense à mon honneur, mais je sens mon amour ; car je t’aime, ingrat ; car j’avais pensé que cette réprobation qui me frappait pouvait devenir pour moi l’occasion d’un grand