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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/531

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GEORGE FARCY.

joindre un petit billet qu’il fit le plus cavalier possible, comme il l’écrivit depuis à M. Viguier, de peur que le grand poète ne crût voir arriver un rimeur bien pédant, bien humble et bien vain. L’accueil de Lamartine et son jugement favorable encouragèrent Farcy à continuer ses essais poétiques. Il composa donc plusieurs pièces de vers durant son séjour à Ischia ; il les envoyait en France à son excellent ami M. Viguier, qu’il avait eu pour maître à l’École normale, réclamant de lui un avis sincère, de bonnes et franches critiques, et, comme il disait, des critiques antiques avec le mot propre sans périphrase. Pour exprimer toute notre pensée, ces vers de Farcy nous semblent une haute preuve de talent, comme étant le produit d’une puissante et riche faculté très-fatiguée, et en quelque sorte épuisée avant la production. On y trouve peu d’éclat et de fraîcheur ; son harmonie ne s’exhale pas, son style ne rayonne pas ; mais le sentiment qui l’inspire est profond, continu, élevé ; la faculté philosophique s’y manifeste avec largeur et mouvement. L’impression qui résulte de ces vers, quand on les a lus ou entendus, est celle du stoïcisme triste et résigné qui traverse noblement la vie, en contenant une larme. Nous signalons surtout au lecteur la pièce adressée à un ami, victime de l’amour ; elle est sublime de gravité tendre et d’accent à la fois viril et ému. Dans la pièce à madame O’R…, alors enceinte, on remarquera une strophe qui ferait honneur à Lamartine lui-même : c’est celle où le poète, s’adressant à l’enfant qui ne vit encore que pour sa mère, s’écrie :

Tu seras beau ; les dieux, dans leur magnificence,
N’ont pas en vain sur toi, dès avant ta naissance,
Épuisé les faveurs d’un climat enchanté ;
Comme au sein de l’artiste une sublime image,
N’es-tu pas né parmi les œuvres du vieil âge ?
N’es-tu pas fils de la beauté ?

Ce que nous disons avec impartialité des vers de Farcy, il le sentit lui-même de bonne heure et mieux que personne,