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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

caftan d’honneur, et voyait son maître vendre des pastèques à la porte de son conak[1] : la naissance n’avait des droits que sur le trône.

Toute cette vie religieuse est sans doute encore celle des Turcs, mais superficielle, pâle et sans création.

Le janissarisme, affiliation militaire, est venu diviser l’action sociale, reléguer les sultans au fond des harems, et perpétuer dans des familles les propriétés, les timars, qui ne devinrent plus le prix de la bravoure et du mérite. Une tolérance mal réglée envers les chrétiens, tantôt accompagnée d’avanies, de confiscations, et tantôt laissant surgir les écoles de Chio et de Tchesmé, n’a pas peu contribué aussi à tuer l’unité de l’état. Les Turcs, qui forment au plus un tiers de la population dans leurs domaines en Europe, et peut-être les trois quarts en Asie, sont perdus au nombre de quatre ou cinq millions sur la surface de leur vaste empire[2]. Les Curdes, la plupart Yezdis ou adorateurs du mauvais esprit, et les Turcomans, sont les plaies de l’Anatolie, où l’on marche souvent douze à quinze heures sans trouver de culture et sans voir autre chose qui sente l’homme qu’un café abandonné. Les Principautés, la Servie, le pays des Curdes, les pachaliks de Syrie, l’Égypte, l’Albanie musulmane, tout cela n’appartient à l’empire que nominativement. Les Turcs ne sont, à proprement dire, une puissance que dans Constantinople ; tout est mort ailleurs, tout s’écroule avec les murs de leurs vieux forts.

Eh bien ! cependant, il leur est resté cela de leur ancienne énergie, qu’ils ont vaincu les Russes en 1828, et qu’à la bataille de Koulaktché de jeunes réguliers

  1. Conak, maison.
  2. Je crois que leur nombre a été beaucoup exagéré jusqu’à présent.