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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/64

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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

le visir, sous leurs turbans cylindriques, sous leurs bonnets en pyramides, montraient des traits larges, imposans : on les voyait tantôt sur les tapis ou les divans, caresser la longue barbe qui retombait sur leur poitrine ; tantôt s’avancer à pas lents, comme dans une marche triomphale, sur un coursier arabe dont un écuyer tenait la bride dorée. Ici passaient les janissaires, portant pour coiffure la manche de Bechiktach, leur patron ; là, les bandes asiatiques avec leurs longs fusils à mèche, et aux crosses sculptées par la hache. L’Orient était debout, comme du temps de Xerxès, avec la pompe variée de ses costumes. Alors le Franc était humble ; il tremblait devant les chiens et les écoliers des mosquées ; et quand défilaient les célèbres marmites de Pilaf avec les menaçantes cuillères, il s’arrêtait respectueusement et courbait les bras sur sa poitrine. Le raya était chaque jour en crainte de partager sa bourse ou sa femme avec les soldats du prophète. Des firmans prescrivaient la largeur de sa robe et de son kalpack.

Le café avait alors tous les jours ses mangeurs d’opium, avec leurs convulsions, leurs extases ; les bancs de pierre du sérail, leurs trophées ; le carrefour, son supplice ; on trouvait le bacal, l’oreille clouée sur la porte de sa boutique, et l’on jetait à la mer, dans un sac, la femme turque dont le yachmak[1] était trop ouvert, ou le feredge[2] trop brillant.

En même temps l’on entendait dans les rues la lyre à trois cordes, le tambour de basque, la cornemuse, la clarinette criarde, avec des airs monotones ou dolens, et partout l’on chantait du nez. Le hamal[3] passait gra-

  1. Voile.
  2. Manteau.
  3. Portefaix.