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LITTÉRATURE.

sacrés de Cosséir ou par la caravane de Damas, et les Cophtes qui se sont égarés, et qu’on pourra faire rentrer dans le sentier de la vraie foi, sont déjà habitués aux rites du vrai culte ; ils ont des chapelains, des desservans, des…

— Tenez, bon père, voilà un enfant de chœur qui vous vient, interrompit l’interprète avec un rire caustique, en voyant s’avancer sous le premier pylône un beau cheval guidé par le petit Bédouin que nous venons de voir partir de la tente.

— C’est bien extraordinaire à cette heure, dit le père étonné, et descendant de son échafaudage, en jetant son pinceau, il marcha précipitamment au-devant de l’enfant, qui en un seul bond fut à terre. Le jeune Arabe ne salua qu’en posant sa main droite sur son cœur, et faisant des gestes aussi composés, aussi graves et aussi lents que ceux d’un patriarche auraient pu l’être ; il annonça dans sa langue que Yâqoub, cheik des Ababdéhs, avait reçu sous sa tente un Indou accompagné de ses esclaves, mais qu’on ne savait pas le sujet de sa mission, ni comment il était venu, parce qu’il ne parlait ni l’arabe, ni la langue des Francs ; que le cheik désirait la présence et les services de l’interprète, et qu’il viendrait à la naissance du jour le consulter, si c’était son plaisir et son moment, car le caractère grave et la multitude des connaissances de l’Européen lui avaient acquis, dès son arrivée, une vénération presque superstitieuse de la part des cheiks et de tout le pays, qu’il n’était venu habiter que depuis six mois. Lorsque le missionnaire lui demanda quelle était là-dessus sa volonté, il réfléchit long-temps sur cette circonstance, et le débarquement d’un Indien sembla l’étonner ; il interrogea l’enfant en arabe vulgaire, lui demanda depuis quand et comment l’Indou était débarqué, mais ses questions furent inutiles. Enfin il s’écria :

— C’est le commencement, ce doit être le commencement ; qu’il vienne : puis, reprenant le style et la langue arabe avec la facilité d’un Bédouin et la prononciation fortement gutturale : — Dis au cheick Yâqoub, père de Souleyman :