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LES ALBANAIS EN ITALIE.

âne, il me força d’y monter, disant fièrement qu’il regarderait un refus de ma part comme un affront et une marque de mépris.

C’était un Albanais de San-Demetrio. Quand il sut que je n’avais d’autre but que de faire connaissance avec ses compatriotes, il commença à me raconter les exploits de ses ancêtres et de Scander-Beg, ne parlant qu’avec un profond dédain des Italiens leurs voisins, qui n’ont pas, comme nous, disait-il, fait la guerre au Grand-Turc.

Tout en causant, nous avions atteint San-Demetrio, bourg sale et chétif, dans une position charmante. Morte quelque temps, la nature se ranime, et semble vouloir couvrir la misère de l’homme par le luxe de la verdure et de la végétation.

Je descendis à la porte du personnage marquant de la commune ; j’avais des lettres pour lui, et, suivant l’usage du pays, je fus reçu et logé dans sa maison avec toute l’hospitalité calabraise. C’est un homme lettré qui a occupé les premières magistratures du royaume, et qui, frappé par la réaction parjure de 1821, est revenu dans ses pénates donner l’exemple de ces vertus de famille qui sont si souvent le résultat des malheurs publics.

La police le surveille, et mon premier soin fut de me présenter au juge, ministre de cette inquisition soupçonneuse. Je le trouvai sous l’influence d’une circulaire récente en faveur des étrangers ; et pour la première fois depuis bien long-temps, mon passe-port fut visé sans que j’eusse à subir un interrogatoire en règle. Tant de voyageurs (et moi le premier) avaient réclamé auprès du marquis Intonto, ministre de la police générale, qu’il avait pris enfin nos plaintes en considération.