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LITTÉRATURE.

bons gars d’entrer dans la ville et d’enlever les prisonniers : c’est une pitié comme Nantes est gardée. Marceau tressaillit, se retourna, reconnut Tinguy, échangea avec lui un regard d’intelligence, et s’élança dans la voiture : Paris, dit-il au postillon en lui donnant de l’or ; et les chevaux partirent avec la rapidité de l’éclair. Partout même diligence, partout, à force d’or, Marceau obtint la promesse que des chevaux seraient préparés pour le lendemain, et que nul obstacle n’entraverait son retour.

Ce fut pendant ce voyage qu’il apprit que le général Dumas avait donné sa démission, demandant la seule faveur d’être employé comme soldat à une autre armée ; il avait en conséquence été mis à la disposition du comité de salut public, et se rendait à Nantes au moment où Marceau le rencontra sur la route de Clisson.

À huit heures du soir, la voiture qui renfermait les deux généraux entrait à Paris.

Marceau et son ami se quittèrent sur la place du Palais-Égalité. Marceau prit à pied la rue Saint-Honoré, la descendant du côté de Saint-Roch, s’arrêta au no 366, et demanda le citoyen Robespierre.

— Il est au Théâtre de la Nation, répondit une jeune fille de seize ou dix-huit ans ; mais si tu veux revenir dans deux heures, citoyen général, il sera rentré.

— Robespierre au Théâtre de la Nation ! Ne te trompes-tu pas ?…

— Non, citoyen.

— Eh bien ! je vais l’y joindre, et si je ne l’y trouve pas, je reviendrai l’attendre ici. Voici mon nom, le citoyen général Marceau.

Le Théâtre-Français venait de se séparer en deux troupes : Talma, accompagné des comédiens patriotes, avait émigré à l’Odéon. C’est donc à ce théâtre que Marceau se rendit, tout étonné qu’il était d’avoir à chercher dans une salle de spectacle l’austère membre du comité de salut public. On jouait la Mort de César. Il entra au balcon ; un jeune homme