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VOYAGES.

qu’on n’avait pu guérir. J’accueillis cette demande avec empressement ; et, après une marche entreprise par un soleil brûlant, j’arrivai à sa demeure, dans un village appelé Shoar. Ce chef, qui se nommait Moeta, se plaignait d’affections rhumatismales aux articulations ; il me montra plusieurs cicatrices qui provenaient du traitement en usage dans le pays, lequel se réduit tout simplement à appliquer un fer chaud sur les parties souffrantes. Ce traitement, au reste, n’avait été pour lui d’aucune efficacité. Je lui en indiquai un autre, et lui prescrivis un régime. Il m’offrit alors une belle natte ; et, comme je refusai de la recevoir, il parut mécontent, et me dit que c’était l’usage de faire un cadeau aux médecins. De peur de le désobliger, j’acceptai son présent ; mais depuis il ne me fut jamais fait par mes malades de l’île d’offre de ce genre. La dyssenterie exerce de grands ravages parmi les habitans de Rotuma ; et c’est sans doute parce que plusieurs d’entre eux en avaient été guéris par des médecins européens que je fus assailli d’un grand nombre de demandes relatives au traitement de cette cruelle maladie. Si l’on veut avoir une idée des priviléges dont jouirait un médecin qui s’établirait dans cette île, il me suffira de rapporter les paroles que m’adressait Ufangnot, chef du canton de Saflé, pour me déterminer à embrasser ce parti : « Vous rester à Rotuma, » disait ce chef ; vous faire gens bien portans, ainsi que vous avoir déjà fait : trop personnes mourir ici ; mais vous guérir toutes personnes, et vous avoir beaucoup femmes, beaucoup ignames et cochons, et vous être heureux comme un roi. » Bien supérieur était le langage d’un chef, nommé Mare, qui, pour la même raison, voulait me retenir à Eimeo, une des îles de la Société, lors de