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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/339

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RÉVOLUTION POLONAISE.

que la noblesse travaillait à son bonheur ; la bourgeoisie, élevée en masse à la hauteur de la noblesse, était alors peu nombreuse et pauvre ; car toutes les villes polonaises, si florissantes au xvie siècle, ne présentaient plus que des ruines. La constitution du 3 mai avait besoin de temps pour produire ses bienfaits. La Pologne, sortant de son agonie, était faible ; tout y était à refaire ; le trésor était vide, l’organisation intérieure défectueuse, l’armée régulière peu nombreuse, mal organisée et sans discipline. En 1791, de trente on la porta à cent mille hommes ; mais le temps manqua pour l’organiser. Cependant, quoique la Pologne n’eût alors ni frontières naturelles, ni forteresses, Kosciuszko prouva au monde qu’avec l’ardeur belliqueuse de ses habitans, et leur amour de la patrie, elle aurait été invincible, si les puissances spoliatrices n’eussent eu sur elle l’avantage de troupes plus nombreuses et mieux disciplinées, et de finances mieux organisées. Ainsi la Pologne succomba au moment même où la nouvelle constitution lui promettait un brillant avenir.

Si donc c’était avec raison qu’on disait autrefois que la Pologne ne se maintenait que par le désordre ; ce proverbe fatal se réalisa à l’époque même où on voulait introduire l’ordre dans le pays, il est permis de prédire que la Pologne peut reconquérir ses droits, grâce à l’ordre que Napoléon a introduit dans le duché de Varsovie[1]. En effet, il ne faut que comparer l’état actuel du soi-disant royaume de Pologne, créé en 1815, avec celui de la vaste république

  1. Il paraît que l’empereur Alexandre, en abdiquant la barbarie de ses prédécesseurs, avait oublié aussi leur politique à l’égard des Polonais. Cependant il est certain que depuis Pierre-le-Grand tous les princes moscovites, au moyen des intrigues les plus infâmes, ont travaillé constamment à éterniser le désordre en Pologne, et à diminuer le nombre de ses troupes régulières, pour être à portée d’envahir un jour ce pays. C’est ainsi qu’ils sont sortis de leur nullité naturelle, et ont acquis une importance politique dans cette même Europe, qui, lors du traité de Westphalie, leur refusa jusqu’au titre d’Altesse.