Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
352
HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

Radziwill abandonna le commandement à Chlopicki, ont prouvé que, malgré son intrépidité, l’ex-dictateur était aussi incapable de commander en chef une armée, que de diriger seul les affaires publiques.

On s’aperçut le jour même des inconvéniens d’une telle précipitation : il s’agissait de rédiger le manifeste du peuple polonais. « Il n’est plus temps, dit Lelewel ; avec la nomination du dictateur, le pouvoir de la diète a cessé. » Ces paroles inattendues furent un trait lumière, et on trouva heureusement le moyen de remédier au mal. Il fut décidé que la chambre des nonces ne se réunirait à la chambre du sénat, pour procéder de concert à la nomination du dictateur, qu’après avoir nommé les deux députations de la diète, l’une chargée de surveiller la dictature, l’autre de rédiger, d’après les principes insérés dans le procès-verbal, le manifeste du peuple polonais, et de le livrer aussitôt à la publicité.

Le lendemain de sa nomination, Chlopicki cassa le gouvernement provisoire, et établit à sa place un conseil suprême, dans lequel les ministres n’avaient qu’une voix consultative. C’était le commencement de la disgrâce de Lelewel, dont le nom, aussi populaire que celui de Chlopicki, lui porta tout à coup ombrage, par suite de honteuses intrigues.

L’autorité absolue du dictateur réunit autour de lui tous les hommes qui, pendant les quinze ans de la cruelle domination de Constantin, avaient seuls vécu d’un pouvoir dont la nation entière était victime. La plupart étaient, il est vrai, d’honnêtes gens, mais leur position sociale seule devait les rendre passifs et timides au milieu du peuple levé pour reconquérir ses droits. Entrés dans la carrière publique sous le gouvernement russe, ils lui devaient tout ; et, plus rapprochés naguère du centre de toutes les injustices, aveugle instrument des violations de la charte, ils méritaient tout au plus l’indulgence. D’ailleurs, attachés par des liens communs aux agens et aux espions de