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VOYAGES.

Le fond du tableau complète dignement ce magnifique ensemble. L’œil, qui ne peut se lasser de se promener sur tous les étages du vaste édifice de ces montagnes, rencontre partout des sujets d’admiration. C’est d’abord une forêt de gigantesques mélèzes qui tapisse le bout opposé de la vallée. Au-dessus de cette forêt, l’extrémité de la Mer de Glace, dépassant le Montanvert comme un bras qui se recourbe, penche et précipite ses blocs marmorés, ses lames énormes, ses tours de cristal, ses dolmens d’acier, ses collines de diamant, dresse à pic ses murailles d’argent, et ouvre dans la plaine cette bouche effrayante, d’où l’Arveyron naît comme un fleuve, pour mourir un mille plus loin comme un torrent.

Derrière la Mer de Glace, dominant tout ce qui l’environne, s’élève le Dru, pyramide de granit, d’un seul bloc, de quinze cents toises de hauteur. L’horizon, dans lequel on distingue à peine le col de Balme et les rochers de la Tête-Noire, est couronné par une dentelure de sommets couverts de neige, sur la blancheur desquels ressort, isolé et grisâtre, cet obélisque prodigieux du Dru. Quand le ciel est pur, à sa forme effilée, à sa couleur sombre, on le prendrait pour le clocher solitaire de quelque église écroulée ; et l’on dirait que les avalanches qui se détachent de temps en temps de ses parois sont des colombes qui viennent s’abattre sur ses frises désertes. Un jour de pluie, lorsqu’on l’aperçoit confusément à travers le brouillard, on pense voir le cyclope de Virgile assis dans la montagne, et les blanches vagues de la Mer de Glace sont les troupeaux qu’il compte pendant qu’ils passent à ses pieds.

Ajoutez à l’ensemble de ce paysage de merveilles l’éternelle présence du Mont-Blanc, l’une des trois plus hautes montagnes du globe, et ce caractère de grandeur