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LE RENDEZ-VOUS.

de la maison plaçaient les bagages de sa nièce ; mais alors elle avait repris sa place dans un grand fauteuil, et regardait la jeune femme à la dérobée. Honteuse de s’être abandonnée à son irrésistible méditation, Julie essaya de se la faire pardonner en s’en moquant.

— Ma chère petite, nous connaissons la douleur des veuves !… répondit la tante.

Il fallait avoir quarante ans pour deviner l’ironie qu’exprimèrent les lèvres de la marquise.

Le lendemain, la comtesse fut beaucoup mieux. Elle causa. Sa tante ne désespéra plus d’apprivoiser la jeune femme qu’elle avait d’abord jugée comme un être stupide. Elle entretint sa nièce des joies du pays, des bals et des maisons où elles pouvaient aller. Toutes les questions de la marquise furent, pendant cette journée, autant de piéges que, par une ancienne habitude de cour, elle ne put s’empêcher de tendre à sa nièce pour en deviner le caractère. Julie résista à toutes les instances qui lui furent faites pendant quelques jours d’aller chercher des distractions au dehors ; et, malgré l’envie que la vieille dame avait de promener orgueilleusement sa jolie nièce, elle finit par renoncer à vouloir la mener dans le monde. La jeune comtesse avait trouvé un prétexte à sa solitude et à sa tristesse dans le chagrin que lui avait causé la mort de son père, dont elle portait encore le deuil.

Au bout de huit jours, la marquise admira la douceur angélique, les grâces modestes, l’esprit indulgent de Julie ; et, dès-lors, elle s’intéressa prodigieusement à la mystérieuse mélancolie qui rongeait ce jeune cœur.

La comtesse était une de ces femmes nées pour être aimables, et qui semblent apporter avec elles le bonheur. Sa société devint si douce et si précieuse à la marquise de Belorgey, qu’elle s’affola de sa nièce, et désira ne plus la quitter.

Un mois suffit pour établir entre elles une éternelle amitié.

La marquise remarqua, non sans surprise, que les cou-