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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/584

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LITTÉRATURE CRITIQUE.

ces taches pâlies qui n’ont pas été des crimes ; et les crimes (si vous les jugez tels), ne les prodiguez pas non plus, n’en multipliez pas la solidarité affreuse ; réduisez-les en masse, s’il se peut, sur quelques têtes irrévocablement dévouées. Absolvez Marie-Antoinette, et maudissez d’Orléans : c’est votre droit. Mais n’allez pas, artiste, jusqu’à dire de Pétion l’austère et le vénérable, de Pétion jeune encore et aux cheveux déjà tout blancs ; ne dites jamais de lui qu’il fut la caricature de Marat. Si dans la voiture royale, au retour de Varennes, Pétion a eu tort de manger une tranche de viande sur son pain, Barnave, que vous aimez tant, et que nous vous pardonnons d’aimer par son côté le moins beau ; Barnave, ce jour-là (et non plus tôt, comme vous l’imaginez), a été bien autrement coupable aux yeux de ceux qui croient au devoir en politique et qui vont dans la ligne du peuple en révolution ; il a manqué à quelque chose de plus grave que la politesse ; louez-le de sa faute, si vous le voulez à toute force : ce fut un noble jeune homme qu’un regard fascina ; mais ne flétrissez point notre Pétion. Pétion, voyez-vous, Brissot, Condorcet, Roland, Vergniaud, Grégoire, Carnot, La Réveillière, et bien d’autres encore, régicides ou non, n’allaient pas chez la Guimard, n’étaient pas amoureux de la reine, et ils formaient la partie saine, intègre, incorruptible de ces foudroyantes assemblées ; Mirabeau, avec son génie, se serait brisé contre ; oubliez-les, permis à vous, artiste ingénieux, railleur étincelant, poète de prestiges ; ignorez-les tout-à-fait, mais ne les méconnaissez pas.

Il y a encore dans Barnave (et je ne m’adresse plus à M. Janin tout seul), il y a un chapitre, un chapitre entier de trop de talent que je n’y voudrais pas voir.

Et cela dit et ces réserves faites, nous ne pardonnerions jamais à l’auteur s’il en tirait la moindre induction en faveur de ce lugubre projet qu’il nous annonce, de clore sa course poétique, et, pour se mettre au niveau du malheur des temps, de se faire plus grave et plus posé à l’avenir. — À quand donc le prochain roman ?


S…