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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/72

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LITTÉRATURE.

Les Vendéens reculèrent, des rangs entiers tombaient sans autre bruit que des malédictions. Le prêtre s’en aperçut, il fit un signe ; les torches s’éteignirent, le combat rentra dans l’obscurité. Ce ne fut plus alors qu’une scène de désordre et de carnage, où chacun frappa sans voir, avec rage, et mourut sans demander merci, — merci qu’on n’accorde guère quand on se la demande dans la même langue.

Et cependant ces mots grâce, grâce, étaient prononcés d’une voix déchirante aux genoux de Marceau qui allait frapper.

C’était un jeune Vendéen, un enfant sans armes, qui cherchait à sortir de cette horrible mêlée. — Grâce, grâce, disait-il, sauvez-moi, au nom du ciel, au nom de votre mère.

Le général l’entraîna à quelques pas du champ de bataille pour le soustraire aux regards de ses soldats, mais bientôt il fut forcé de s’arrêter, le jeune homme s’était évanoui. Cet excès de terreur l’étonna de la part d’un soldat, il ne s’empressa pas moins de le secourir, il ouvrit son habit pour lui donner de l’air : c’était une femme.

Il n’y avait pas un instant à perdre, les ordres de la convention étaient précis, tout Vendéen pris les armes à la main ou faisant partie d’un rassemblement, quel que fût son sexe ou son âge, devait périr sur l’échafaud. Il assit la jeune fille au pied d’un arbre, courut vers le champ de bataille. Parmi les morts, il distingua un jeune officier républicain, dont la taille lui parut être à peu près celle de l’inconnue, il lui enleva promptement son uniforme et son chapeau, et revint auprès d’elle. La fraîcheur de la nuit la tira bientôt de son évanouissement. — Mon père, mon père, furent ses premiers mots ; puis elle se leva, et appuya ses mains sur son front, comme pour y fixer ses idées. — Oh ! c’est affreux, j’étais avec lui ; je l’ai abandonné ; — mon père, mon père ! il sera mort !

— Notre jeune maîtresse, mademoiselle Blanche, dit une tête qui parut tout à coup derrière l’arbre, le marquis de Beaulieu vit, il est sauvé ; — vive le roi et la bonne cause ! — Celui qui avait dit ces mots disparut comme une ombre, mais