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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

rique ; la mortelle influence d’un gouvernement détestable et d’une religion avilissante, armés tous deux du plus redoutable instrument dont se serve le despotisme pour comprimer l’élan de l’esprit humain ; les déprédations des corsaires de Barbarie, qui dépeuplent les côtes du sud ; enfin l’institution des Mesta, Mayorazgos et Presidios qui, comme nous le démontrerons par la suite, tendent à consolider et à perpétuer les abus, à saper les fondemens de l’industrie nationale, et à fermer toute carrière aux améliorations : telles sont, en partie, les causes qui ont entraîné la dépopulation de la Péninsule. Bien que la plupart de ces germes de destruction soient étouffés, le plus funeste existe encore ; et une réforme radicale dans son gouvernement, dans sa politique, dans tout son système de lois, peut seule arracher l’Espagne au plus profond abîme de misère et de dégradation dans lequel une nation puisse tomber.

Quelques détails relatifs à la population de ce pays, sous ses différentes monarchies, donneront une idée des surprenantes oscillations qu’elle a subies ; et si le lecteur compare ces détails avec les causes de décroissement que nous avons énumérées, il pourra tirer de ce double examen des inductions irréfragables.

Suivant une opinion reçue, l’Espagne, sous les Romains, comptait 40,000,000 d’habitans. En admettant que ce calcul soit exagéré, évaluons cette population à la moitié, à 20,000,000. Vers la fin du quatorzième siècle, au dire des écrivains du pays, la population se partageait ainsi qu’il suit, savoir : États de Castille, 11,000,000 ; États d’Aragon, 7,700,000 ; royaume de Grenade, 3,000,800 ; total, 21,700,800 ; mais cette estimation, ainsi que la première, est probablement forcée, et nous nous en tenons à l’opinion de M. de Laborde, d’après laquelle le chiffre total doit être réduit à 16,000,000. Sous Ferdinand et Isabelle, à la fin du quinzième siècle, les mêmes autorités évaluent le nombre des habitans à 20,000,000, que nous restreindrons, dans la même proportion, à 15,000,000. En 1688, ce chiffre ne s’élevait qu’à