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L’ESPAGNE TELLE QU’ELLE EST.

jusqu’à ce que l’amortissement des terres, en absorbant les grandes et petites propriétés, ait étendu sa stérile conquête sur le territoire entier, et consommé la ruine complète du pays. Ces observations s’appliquent également aux immenses biens de main-morte du clergé, à cette différence près, qu’ils sont généralement mieux cultivés, et que leur produit, absorbé en majeure partie par une classe improductive, ne sert qu’à entretenir dans leur vie oisive ces hordes de vagabonds et de mendians qui infestent la contrée.

IV. — MANUFACTURES ET COMMERCE.

Dans un pays où l’agriculture est si peu avancée, l’état des manufactures, dont la nécessité est moins immédiate, doit être plus déplorable encore. Cette partie de la Péninsule, qui au quinzième siècle fournissait le reste de l’Europe de beaux draps et de riches soieries, de gants, de quincaillerie, de coutellerie et d’une grande variété d’articles précieux, est réduite maintenant à tirer du dehors, presque tous les objets dont la fabrication exige un certain capital, un peu d’adresse, d’industrie et de goût. Excepté quelques établissemens dispendieux, qui font partie du domaine de la couronne, et dont le monopole, les priviléges exorbitans ruinent les industries particulières, l’Espagne ne possède, littéralement parlant, aucune manufacture d’articles un peu finis : quelques grossières filatures de laine, de coton, de soie, de chanvre et de lin ; quelques fabriques de mauvais papier ; des tanneries et de misérables forges sont maintenant ses seules ressources manufacturières. Les autres branches commerciales ne sont pas dans un état plus prospère. Le trafic extérieur, qui autrefois embrassait les deux hémisphères, se réduit, d’une part, à quelques arrivages fort éventuels de Cuba, de Porto-Rico et des Philippines, arrivages soumis à des risques qui excluent toute possibilité d’assurances régulières ; et de l’autre, à un échange de denrées