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REVUE. — CHRONIQUE.

avec soin de cette brochure : c’est, dit-on, un écrit légitimiste, un plaidoyer en faveur de la royauté détruite ; c’est encore, malgré M. de Lamartine, de la poésie vaporeuse et sentimentale, un cri du cœur que l’esprit n’entend pas, une émotion de l’âme que la raison condamne, une rêverie dans l’idéal que la vérité repousse ; c’est encore une méditation poétique sur des douleurs vagues et sans fin, sur des cendres refroidies à jamais, sur un tombeau qui ne peut se rouvrir !

En même temps que paraîtra la brochure de M. de Lamartine, paraîtra aussi une brochure de M. de Chateaubriand. Cette brochure, à ce qu’on dit à l’avance, paraît plus redoutable que la première. On dit partout qu’il s’agit encore d’une violente attaque contre la maison d’Orléans, et que cet éloquent écrivain a porté toute sa force contre cette dynastie qui vient de naître, et qu’un double fossé protège aux Tuileries. Aussi, à cette nouvelle, toutes les terreurs se sont émues, toutes les têtes se sont avisées ; l’inquiétude a cherché à parer ce coup qui peut être fatal ; M. de Châteaubriand corrige tranquillement ses épreuves, comme s’il ne s’agissait que d’un chant interrompu des Martyrs ou des Natchès !

L’écrivain aujourd’hui, c’est le juste d’Horace assis sur les ruines du monde ; il ferait un encrier du dernier morceau de marbre enlevé au dernier palais ou au dernier autel ; il mettrait en poudre les plus hautes des pyramides pour jeter cette poudre sur son papier humide d’encre ; il n’y a pas de loi humaine qui puisse rien contre un pareil sang-froid.

Une autre brochure de M. de Salvandy est annoncée pour la semaine prochaine. Cet écrivain, qui est jeune, passionné et mécontent, est aussi un censeur de ce qui se passe. La censure ne laissera pas que d’être cruelle, car, en fait de polémique politique, c’est une bonne et vive plume que celle de M. de Salvandy ; elle va vite, elle marche droit, elle brûle, elle écrase ; elle a soutenu déjà tant d’assauts ! elle est sortie triomphante de tant de polémiques ! De sorte que, bien compté, voilà trois écrivains de caractères différens, de positions différentes, de styles différens, le plus grand poète des temps modernes, le plus admirable de nos écrivains en prose, qui viennent, à heure fixe, le même jour et avec le même esprit mécontent, la même tristesse inquiète, parler