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M. DE RIENZI.

les souvenirs attachés au grand nom du poète. C’est ainsi qu’à Rome, M. de Chateaubriand a élevé un tombeau à Poussin, qu’il a béni avec un vers de Virgile. Quand son monument fut élevé, M. de Rienzi, se souvenant qu’on est toujours poète quand on a de l’âme, écrivit au-dessus de la grotte de Camoëns ces vers qui ne sont pas sans charme, auxquels cependant je préfère l’inscription qui vient après, et qui est pleine de naïveté.


Ô Patané, salut ! Lieu chéri du poète,
Je n’oublîrai jamais ton illustre retraite.
Ici, Camoëns, au bruit du flot retentissant,
Mêlant l’accord plaintif de son luth gémissant,
Au flambeau d’Apollon alluma son génie,
Et chanta les héros de la Lusitanie.
Du Tage à l’urne d’or loin des bords paternels,
De Bellone il cueillit les lauriers immortels.
Malheureux exilé, cet émule d’Homère
Acheta son génie au prix de sa misère ;
Mais il reçut du ciel, pour calmer ses douleurs,
Et l’inspiration et l’amour des neufs sœurs.
Lusus[1] et le Chinois honorent sa mémoire.
Le temps qui détruit tout agrandira sa gloire.
Moi, qui chéris ses vers, qui pleurai ses malheurs,
Cent fois je visitai ces lieux inspirateurs,
Du phébus portugais ce Pinde vénérable,
Et dans ces bois sacrés sa grotte inviolable.
Agité plus que lui, je fuyai dans les champs,
Et le monde et mon cœur, l’envie et les tyrans.

              Au grand Louis de Camoëns,
              Portugais, d’origine castillane,
              L’humble Louis de Rienzi,
              Français, d’origine romaine.

25 août 1821.

    le réduisit à la misère. Ses vers sublimes sont répandus dans le monde entier. Ce monument a été construit pour transmettre sa mémoire à la postérité.

  1. Lusus : les Portugais prétendent descendre de ce compagnon de Bacchus, de même qu’ils donnent à Lisbonne Ulysse pour fondateur. Les anciens Français ne croyaient-ils pas tirer leur origine de Francus, fils d’Hector ?