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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/296

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LITTÉRATURE.

vent, s’éleva à grosses vagues, et vint inonder les gradas cubiertas, surmontant, escaladant la balustrade qui l’en séparait ; mais là, pas plus que dans les loges, on ne se croyait encore en sûreté, et bientôt les portes de sortie étroites et basses furent assiégées et encombrées par la multitude.

Le tumulte et le désordre étaient affreux. Quelques femmes surtout, tenant leurs enfans dans leurs bras, se lamentaient misérablement.

Cependant le taureau non moins épouvanté lui-même que la foule, avait traversé ces flots qui s’étaient ouverts d’eux-mêmes devant lui, et il était arrivé au milieu de l’orchestre des musiciens. Là, comme les gradins s’interrompent, il se trouvait de plain pied sur un plancher. Il s’arrêta un instant, promenant autour de lui son regard inquiet et stupide. — Le pauvre animal songeait bien plutôt à fuir qu’à faire le moindre mal à qui que ce fût. Les musiciens d’ailleurs avaient aussi abandonné la place ; il ne restait plus que leurs instrumens, les clarinettes, les tambours de basque, jetés au hasard, parmi les chaises renversées.

Foulant tout cela sous ses pieds, le taureau s’ouvrit un chemin, en brisant quelques balustrades de bois, et poursuivit sa marche dans le tendido.

Mais l’armée des toreros s’étant ralliée et embusquée, l’attendait au passage. — Ne pouvant lui-même se défendre, ni leur faire face au milieu de ces gradins inégaux, dans lesquels il s’était embarrassé, il tomba bientôt sous les coups d’épée et de poignard dont il fut assailli et criblé de tous côtés.

Ce fut alors qu’accoururent les volontaires royalistes. On en distribue toujours un certain nombre autour de la seconde barrière intérieure, sur les premiers rangs du tendido.

Ils avaient laissé passer le taureau avec la plus grande courtoisie, et avaient manœuvré fort habilement, de façon à se mettre eux-mêmes, avant tous, hors de danger, en se chargeant de la garde des portes ; mais, dès qu’ils virent l’ennemi commun chancelant et renversé, il n’y en eut pas un qui ne revînt le percer de sa bayonnette.