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LITTÉRATURE.

coulait, le peuple s’enivrait davantage. La fièvre commençait à le prendre.

Bravo toro ! Buen toro ! criait-il, trépignant et applaudissant avec fureur.

Mais le taureau s’était précipité sur le nouveau cheval que montait Pinto. La lance du picador avait été brisée, dans le choc, sur le cou du furieux animal, qui, ayant enfoncé sa corne tout entière dans le poitrail du cheval, s’acharnait à fouiller cette profonde blessure, comme s’il eût voulu y plonger toute la tête.

C’était le jeune matador Montès qui devait tuer ce taureau. Quoique ce n’en fût point encore le moment, voyant qu’il y avait là danger, il accourut ; puis il agita son manteau devant le taureau pour l’attirer de son côté et donner au picador le temps de se dégager.

Montès se trouvait resserré dans un espace trop étroit pour être bien libre de ses mouvemens, car cette terrible lutte se passait tout près de la barrière.

À la fin, le taureau harcelé, impatienté par ce long défi du matador, se tourna vers lui, retirant sa corne du poitrail du cheval, qui, ne se pouvant plus soutenir, tomba en arrière sur son cavalier.

Celui-ci était sauvé. Montès, qui ne voulait pas autre chose, s’apprêtait à se mettre à l’abri lui-même en franchissant la barrière. Comme il mettait le pied sur la planche étroite placée à moitié de sa hauteur pour faciliter la fuite des toreros quand ils sont poursuivis, son manteau, qu’il tenait à la main, et sur lequel il marcha, l’arrêta tout court. Cet obstacle le perdit. — Pendant ce temps, le taureau, sans prendre même d’élan, s’était approché d’un pas ; il avait abaissé la tête, puis il l’avait relevée rapidement. — Montès était atteint, il tomba. — L’une des cornes avait pénétré profondément dans sa poitrine, sous le bras gauche.

Ce fut un terrible spectacle, un spectacle atroce.

Après un cri perçant qui s’était fait entendre, — un cri de