Pendant plusieurs siècles, cette belle contrée fut soumise au système colonial. Peut-être ce système ne fut-il jamais aussi rigoureux pour le Brésil que pour l’Amérique espagnole ; mais il n’en est pas moins vrai que les prohibitions les plus sévères empêchaient sans cesse les Brésiliens de profiter des bienfaits que leur avait prodigués la nature. Fermé aux étrangers, le Brésil s’épuisait pour enrichir les négocians de Lisbonne. Ses habitans marchaient sur le fer, et, sous peine d’aller finir leurs jours sur le rivage insalubre d’Angole, ils étaient obligés de tirer du Portugal leurs instrumens aratoires ; ils possédaient d’abondantes salines, et il fallait qu’ils achetassent à des compagnies européennes le sel qui leur était indispensable. Ils étaient contraints de se faire juger sur les bords du Tage, et leurs enfans ne pouvaient recevoir quelque instruction dans la médecine et la jurisprudence, s’ils n’allaient la chercher à l’université de Coïmbre.
Le système colonial ne tendait pas seulement à appauvrir le Brésil ; il avait un but plus odieux encore, celui de le désunir. En semant des germes de division entre les provinces, la métropole espérait conserver plus long-temps cette supériorité de forces qui lui était nécessaire pour exercer sa tyrannie. Chaque capitainerie avait son satrape, chacune avait sa petite armée, chacune avait son petit trésor ; elles communiquaient difficilement entre elles, souvent même elles ignoraient réciproquement leur existence. Il n’y avait point au Brésil de centre commun : c’était un cercle immense, dont les rayons allaient converger bien loin de la circonférence.
Lorsque Jean vi, chassé du Portugal par les Français, chercha un asile en Amérique, une partie du système colonial dut nécessairement tomber d’elle-même. Alors on établit à Rio de Janeiro des tribunaux qui jugèrent en dernier ressort ; le Brésil fut ouvert aux étrangers, et l’on permit enfin à ses habitans de profiter des richesses que la nature avait semées sous leurs pas. Mais on n’alla pas plus loin ; après